Retour au point zéro

Il repoussa délicatement la jeune fille, après l'avoir embrassée une dernière fois, puis il lui sourit. C'était une lycéenne de dernière année, il n'était même pas venu vers elle, mais c'était elle qui s'était jetée sur lui, lorsqu'il était sorti des vestiaires, il n'avait pas eu le temps de la repousser ou de se défendre. Elle était sous son charme, et Toma savait qu'elle espérait plus, seulement elle était mineure, et s'attirer ce genre de problème était réellement la dernière chose qu'il avait envie de faire. Il lui accorda un dernier baiser, lui donna son numéro de téléphone, puis il s'en alla après lui avoir adresser un dernier sourire et un dernier clin d’œil, tout en lui demandant d'un geste de garder le secret.

Ce n'était pas la première, ni la dernière d'ailleurs. En deux semaines, il avait battu des records, jamais il n'avait enchaîné les filles de cette manière. Avant, il en était à une, voire deux par jour, maintenant, il en arrivait à quatre, parfois cinq en une journée. De plus, le schéma était le même à chaque fois. Un sourire, une caresse sur la main, un baiser et c'était dans la poche. Il était également devenu un habitué des bars, mais surtout des boîtes de nuit, il s'y rendait chaque soir, pour y faire de nouvelles rencontres. Il n'avait pas oublié Noeru, en réalité, il n'avait pas cessé de penser à elle depuis ce fameux jour.

En plus de la jeune femme qu'il avait vu ce jour là, c'est Klaüs qu'il lui avait donné les détails de l'accident de Noeru. Mais il en avait eu assez de se sentir coupable, et même si au fond de lui, il était plein de remords, il s'était convaincu que cet accident était uniquement de la faute de l'adolescente aux yeux océans. Il la haïssait presque, d'avoir été aussi stupide, de l'avoir fait courir lui, l'avoir fait espérer pour finalement douter d'elle. Il aurait voulu qu'elle soit plus sûre d'elle, il s'était vraiment ouvert et un seul geste de sa part avait fait que le jeune homme s'était de nouveau renfermé. Mais il s'était persuadé de ne pas aller la chercher, ni essayer de la récupérer. Il savait qu'elle avait perdu la mémoire, qu'elle avait oublié son identité, son histoire, ses amis et surtout qu'elle l'avait oublié lui.
Il traversait à présent la cour, il était attendu par le nouveau professeur d'histoire de l'université, qui l'attendait dans ses appartements de fonctions, situés juste à côté des dortoirs de l'internat. Cette relation avec la jeune femme avait suscité de nombreuses rumeurs vis à vis de sa relation avec la dernière stagiaire en éducation physique. Toutes les femmes du campus savaient qu'il était un séducteur, mais toutes continuaient à courir vers lui. Pourtant, certaines n'étaient pas si naïves, certaines étaient mariées, mais toutes étaient tombées au moins une fois dans ses filets.

Alors qu'il marchait, sans vraiment se presser, pour rejoindre les dortoirs, il s'arrêta un instant devant le banc où il avait rencontré Noeru, et se remémora toutes sortes de souvenirs, pas tous très bons en effet, mais le début de leur relation était quand même un bon souvenir, il eut un petit rire, quand il se fit bousculer par quelqu'un. Il se retourna doucement pour voir qui était la personne qui était en train de s’excuser auprès de lui, et cette personne n'était autre que Noeru. C'était la deuxième que, lorsqu'il pensait à elle, elle apparaissait de nulle part. Le roux soupira. Il devenait fou. Il se pinça pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une hallucination mais non, c'était bel et bien réel. Il prit cependant un air indifférent et un ton glacial.

Alors qu'il s'était retourné, il sentit la jeune fille le suivre, elle lui posait d'ailleurs toutes sortes de questions. Il se retourna vivement à un moment, et la jeune fille manqua de tomber. Elle se rattrapa seule, mais Toma soupira, décidément, elle n'était vraiment pas maline. N'importe qui aurait pu comprendre qu'il ne voulait pas la voir, mais apparemment, ce n'était pas le cas de l'adolescente. Elle avait commencer à fixer son professeur de sport, à détailler chaque partie de son visage. Toma n'était d'habitude pas gêné par ce genre de comportement, il avait l'habitude d'être passé au rayon X par des regards de plusieurs femmes, mais le fait que ce soit Noeru le mettait réellement mal à l'aise.
Il sentit ses joues rougir. Il rougissait. Jamais cela ne lui était arrivé en présence d'une personne autre que la jeune fille au cheveux bruns et au regard océan. Il reprit vite ses esprit, ébouriffa ses cheveux roux déjà en bataille puis il fit un pas vers elle. Il s'était promis de ne plus retourner vers elle, plus jamais, mais on aurait dit qu'elle le provoquait, qu'elle faisait tout pour qu'il craque. Il avait remis ses mains dans ses poches, s'était penché vers puis lui avait murmuré quelques mots.

En se redressant, il lui vola un baiser puis il lui adressa un sourire. D'un côté, la faire courir elle maintenant n'était peut-être pas une si mauvaise idée. Elle l'avait oublié certes, mais qu'elle s'adresse de la sorte à un professeur qu'elle ne connaissait pas n'était pas dans ses habitudes, Toma en avait donc déduit qu'elle se sentait en confiance auprès de lui. Il avait décidé donc de se jouer un peu de cette situation, pour non seulement s'amuser, mais aussi pouvoir garder un oeil sur elle. Au fond, si un autre homme que lui - mis à part Adrien - s'approchait un peu trop d'elle, il ne le supporterait pas. Cela faisait un moment maintenant qu'elle le fixait, les joues rouges. Cela le fit rire.

Le Toma de leur première rencontre était de retour, et définitivement. Comme il le faisait toujours, il nota sur un bout de papier son numéro de téléphone et le posa dans un geste délicat dans le creux de la main de la jeune fille.

Il s'était attendu à ce genre de réponse de sa part. Elle avait déjà un petit ami disait-elle ? Lors de leur première rencontre aussi, elle avait un petit ami, du moins une personne à laquelle elle était très attachée, mais cela ne l'avait jamais empêchée de se rapprocher de lui. De plus, aux yeux de Toma, Adrien n'était pas vraiment un rival, il était insignifiant et ne comptait pas vraiment aux yeux du roux. Il savait que ce que ressentait Noeru pour lui n'allait pas plus loin que la sympathie. Et puis elle avait récemment tout oublié à son sujet, donc n'importe qui aurait pu venir et prétendre être son petit ami... Elle était réellement naïve et trop peu méfiante !
Il était également certain qu'elle refuserai son numéro, il s'approcha donc un peu plus d'elle, faufila une de ses mains dans la poche dans laquelle se trouvait le téléphone de la jeune fille. Il prit l'objet en question, constata que, depuis la dernière fois qu'il s'était vus, elle n'avait pas changé de fond d'écran. Puis en parcourant son carnet d'adresses, il vit que l'adolescente avait toujours son numéro de téléphone dans son répertoire. Il prit un air surpris puis montra le téléphone à Noeru.

Il s'éloigna d'elle. Être trop proche d'elle, trop longtemps, déjà là en quelques minutes, il savait qu'il ne tarderait pas à vouloir la faire revenir à la raison, l'aider à se souvenir par tous les moyens. Il ne pouvait pas aller comme ça à son rendez-vous. Il appela la jeune femme pour repousser l'heure de leur rencontre. D'ailleurs, une nouvelle phrase qu'il avait ajouté à son carnet pour les faire tomber: "Je t'aime". C'était la grande phrase que toutes attendaient et que lui ne peinait plus à dire. Et dire qu'il en avait fait tout un plat auparavant, il avait été ridicule de priver toutes les femmes qu'il avait autrefois fréquenté d'une telle joie.

Le roux alla s'asseoir sur le petit banc sur lequel Noeru et lui s'était rencontrés la première fois. Il se sentait bizarre, il s'était assis au même endroit, et Noeru était là. C'était différent, mais il avait comme l'impression de retourner en arrière. A vrai dire, l'époque où aucune femme ne lui importait, l'époque où il aurait pu jeter Noeru sans regrets, elle lui manquait. Le bref instant où tous les deux avaient été sur la même longueur d'onde aussi, avait été un très beau souvenir. Et bien que tout n'ai pas toujours été rose entre eux, il gardait et chérissait chaque souvenir qu'il avait eu avec elle. Peu à peu, le sentiment de colère qui l'habitait il y a de cela cinq minutes s'était transformé en nostalgie.

Il ne voulait plus la voir, sinon, il allait replonger. Il soupira. Il était épuisé. La vie de séducteur était palpitante et intéressante, mais à la fois très fatigante. Il mentait constamment, aux autres, mais surtout à lui même. Il hésitait à se retourner pour voir si son élève était partie. Peut-être qu'il l'aimait plus que ce qu'il n'avait imaginé...

Toma poussa un soupir désespéré lorsque la jeune fille lui déclara qu'elle ne partirait que s'il lui donnait quelque chose. Il n'avait rien sur lui, du moins rien à lui donner. Elle n'était pas prête de s'en aller et de le laisser tranquille. D'un côté, il était heureux de voir que, même si elle ne se souvenait de rien, ils avaient toujours ce lien particulier qui les unissaient. Seulement d'un autre côté, il s'en voulait d''avoir cédé et d'être retourné vers elle... Face à elle, il ne pouvait désormais plus rien. Il l'aimait trop pour la laisser partir à cause d'un coup sur la tête, il ne voulait pas la laisser ni à Adrien, ni à Klaüs, ni à personne d'autre d'ailleurs. Il la voulait pour lui, point.

Elle se leva alors. Dos à lui, il n'avait pas pu voir son visage lorsqu'il l'avait entendu dire qu'elle plaisantait. Même s'il n'avait pas pu entrevoir ses expressions, il savait qu'elle mentait, rien que par le ton de sa voix. Il la connaissait trop bien, si elle, elle l'avait oublié, ce n'était pas le cas du roux. Il avait appris à la connaître, il savait décrypter chacun de ses comportements. Il attrapa la main de la jeune fille, avant même qu'elle n'ait pu faire un pas. Le roux se leva à son tour, puis attira Noeru contre lui. Il avait oublié à quel point cette sensation lui faisait du bien. Elle lui avait réellement manqué, et il était incapable de lui mentir en faisant semblant de ne pas s'intéresser à elle. Il n'aurait pas pu rester indéfiniment loin d'elle, il l'aimait beaucoup trop pour ça. Quoiqu'il fasse et quoiqu'il dise, il reviendrai toujours vers elle. Il la libéra de cette étreinte seulement après quelques minutes, face à elle. La lune éclaira le visage de la jeune fille, et le professeur de sport la trouva plus belle que jamais, il écarta une mèche de ses cheveux et lui adressa un sourire. Finalement, il porta ses deux mains à l'arrière de son cou. Il défit le fermoir de sa chaîne en or blanc, très jolie et très discrète, au bout de laquelle pendait une alliance en or blanc également, où était gravé son nom de famille, et qui avait autrefois appartenu à sa mère biologique. Il laissa le bijou briller un instant à la lumière et se tourna vers Noeru.

Il prit la main de Noeru, y déposa la chaîne, puis referma les doigts de la jeune fille sur le bijou en question. Il tenait vraiment à cet objet, et il espérait que le jeune fille se souvienne vite de tout. Il lâcha la main de la jeune fille et lui adressa un nouveau sourire. Il alla alors s'asseoir sur le banc, en poussant un long soupir, au moins, la jeune fille serait obligée de penser à lui, elle n'avait pas le choix. Il lui dit alors à voix haute:

Il faisait allusion à Adrien. Toma était persuadé que l'adolescente ne ressentait que la simple amitié envers lui, et qu'elle ne voulait pas le blesser pour cette raison. Il était aussi persuadé que la perte de mémoire de la jeune fille était due à une envie de fuir son professeur de sport, ce n'étais pas la première fois qu'une chose du genre arrivait... Et c'était toujours pour les mêmes raisons en plus. Il soupira. Lorsqu'il y repensait, son comportement avec la jeune fille avait été très étrange, enfin surtout du côté de Noeru, étant donné qu'elle ne se souvenait de rien, qu'il était devenu un inconnu...

Noeru ne comprenait pas pourquoi il agissait comme ça. Mais les sentiments du roux la touchèrent et elle le laissa l'étreindre. Et par dessus tout elle se senti en sécurité durant le moment que dura ce tendre rapprochement. Il finit par la lâcher, malheureusement. Il était étrangement doux en vers elle. Et elle avait du mal à croire qu'il agissait en pur séducteur en ce moment précis. Doute qui s'intensifia lorsqu'il lui tendit sa chaînette au bout de la quelle pendait une alliance. La sienne? Non.. Il était trop jeune; du moins, c'était le ressenti de la jeune fille... Alors a qui appartenait elle? Noeru, curieuse, inspecta l'objet. C'était un bel objet, taillé dans un métal qu'elle ne connaissait pas. Elle pensa tout d’abord à de l'argent, mais il était trop clair.. Puis elle vit une inscription: "Sayashi"

*Ha, oui, voilà! ça me revient! Toma Sayashi!*

Elle sourit. L'anneau devait être a une femme de sa famille, vu sa taille et l'inscription. Il devait énormément y tenir s'il le portait constamment sur lui.

"Merci beaucoup.."

Elle accrocha la chaînette a son cou et déposa un baiser sur la joue de Toma.

"Et arrête de te mentir à toi même."

Se mentir à sois-même? Elle troqua son sourire contre un air perplexe. Elle ne se mentait pas, du moins pas à sa connaissance. Toma avait l'air d'en connaître beaucoup sur elle.. Lorsqu'elle s'était réveillée, à l'hôpital, on lui avait posé des question toute bête: "Combien tu vois de doigts?" "de quel couleur est mon T-shirt?" "quel jour est-on?" "comment t'appelles-tu?" "quel-âge as tu?" "qui sont tes proches?" Elle avait été incapable de répondre au quatre dernières questions. Elle était devenue une totale étrangère pour elle-même.

"Vous semblez me connaître bien plus que vous souhaitez me l'avouer, alors... pourquoi n'êtes vous pas venu me voir...?"

Elle ne voulait pas pleurer devant lui, c'est pourquoi elle sécha sa première larme et se força à sourire.

"Adrien.. il.. il a dit qu'il était mon petit ami... Il ne faut pas croire que je l'ai accueillit les bras ouvert... Après tout n'importe qui aurait pu se faire passer pour mon copain.. Mais il c'est emporté, il m'a supplié de me rappeler et il a éclaté un pot de fleur.. J'avoue que j'ai eu très peur ce jour là... Il est revenu le lendemain.. le surlendemain.. et les jours suivants; il n'a pas lâché... J'ai donc décidé de lui laisser sa chance, et même après il a continué a venir me tenir compagnie.. M'apportant des choses a grignoter et s'emportant contre les infirmières qui lui annonçaient que les visites étaient terminées..."

elle rit légèrement mais son regard redevint triste

"Et pourtant c'est de vous, le croqueur femme, le briseur de coeur, que je m'entiche; qu'elle ironie..."

Elle ferma les yeux. En vrai elle éprouvait bien plus qu'un simple attachement envers Toma. Oui, il avait raison, elle se mentait.

"Excusez-moi, je suis fatiguée... Je ne sais même pas pourquoi je vous raconte tout ça..."

Il soupira, comment lui expliquer le fait qu'il ne soit pas venu la voir à l'hôpital alors qu'elle avait tout oublié, il ne voulait pas la forcer. En réalité, il voulait qu'elle se souvienne seule de tout, car elle n'avait pas pu tout oublié comme ça, d'ailleurs la preuve était devant ses yeux: avec un autre professeur, elle se serait déjà partie lorsque que le professeur l'avait saluée. Cependant elle était toujours là ,à essayer de parler avec lui. Elle se confiait même à lui à présent à lui, lui racontant comment Adrien était officiellement devenu son petit ami après plusieurs jours d’entêtement du jeune homme. Il serra le poing. L'adolescent avait donc bel et bien forcé la main de Noeru, et surtout profité de son amnésie pour exagérer les faits. Toma savait que les seuls au courant de leur relation particulière était les deux concernés, et que par conséquent, il n'avait personne pour le soutenir ou témoigner s'il disait quelque chose à la jeune fille.

La jeune fille lui déclara ensuite que son professeur avait réussi à la séduire, alors qu'elle avait un soi-disant petit-ami qui l'aimait, et dont elle était sûre qu'il n'aille pas voir ailleurs. Toma était sûr d'une chose, il avait réussi à lui faire prendre conscience que son professeur de sport était quelqu'un de plus important pour elle qu'elle n'aurait pu le croire un peu plus tôt. Il eut un petit sourire. La brune s'excusa alors, et lui dit ne pas savoir pourquoi elle lui racontait toutes ces choses.

Oui, il voulait qu'elle se souvienne de tout par elle-même, mais ce n’est pas comme s'il lui avait révélé toute l'histoire d'une traite. Il l'aidait seulement dans sa démarche, il la mettait seulement sur la voie, pour éviter par la suite les malentendus, qui provoquaient à chaque fois des catastrophes. Il ne voulait plus d'accidents du genre.